La merde, un sujet tabou ?
Voici un texte de Friedensreich Hundertwasser publié dans la revue Adbusters (numéro de mars/avril 2011). Il y est question de la merde d'un point de vue écologique. La version française du texte se trouve un peu plus bas. La traduction n'est pas mon métier, il s'agit d'une traduction amateur. Que les anglicistes me pardonnent les approximations.
The holy shit
It took millions of years for vegetation to cover the
sludge and toxic substances with a layer of humus,
a layer of vegetation and a layer of oxygen, so that
humans can live on earth.
And now ungrateful humans are bringing the sludge
and toxic substances – which have been covered with
tedious cosmic effort -back up to the surface.
In this way, through the misdeeds of the irresponsible
human species, the end of the world is becoming the
beginning of all time. We are committing suicide. Our
cities are carcinomas.
We don't eat what grows near us – we import food from
far away, from Africa, America, China and New Zealand.
We don't keep our shit. Our rubbish, our waste is
flushed far away. We are poisoning rivers, lakes and
oceans with it, or we transport it to complicated
and expensive purification plants, or more rarely to
centralized composting facilities. In other cases, our
waste is destroyed. The shit never returns to our fields,
and neither does it return to where our food comes from.
The cycle by which food becomes shit is functionning.
The cycle by which shit becomes food is broken.
Whenever we flush our toilets, with the conviction
that we are performing a hygienic act, we are breaking
cosmic laws, because in reality it is a godless act, a
sacrilegious gesture of death.
When we go to the toilet, lock it from the inside and
flush away our shit, we are trying to put an end to
something. What are we ashamed of ? What are we
afraid of ? We repress what happens to our shit, just
as we repress death. The toilet hole appears to us
like the gate to death ; we try to get away from it as
quickly as possible, forget as quickly as possible about
the rottenness and decay. However, it is exactly the
opposite ! It is with shit that life first begins.
Friedensreich Hundertwasser
Sainte Merde
Il a fallu des millions d'années pour que la végétation recouvre
limons et substances toxiques d'une couche d'humus,
d'une couche de végétation et d'une couche d'oxygène, pour qu'enfin
les humains puissent vivre sur terre.
Et voilà que les ingrats d'humains font remonter limons
et substances toxiques – qui furent recouverts par un
laborieux effort cosmique – à la surface de la terre.
Ainsi, c'est au travers des méfaits de cette humanité
irresponsable, que la fin de monde devient le commencement
de tous les temps. Nous sommes en train de commettre un suicide.
Nos villes sont des tumeurs cancéreuses.
Nous ne mangeons pas ce qui pousse près de chez nous
- nous importons de très loin notre nourriture,
d' Afrique, d'Amérique, de Chine et de Nouvelle-Zélande.
Nous ne gardons pas notre merde. Nos ordures, nos déchets
sont évacués au loin. Avec eux, nous contaminons fleuves, lacs
et océans ou bien nous les transportons vers de complexes et
couteuses usines de traitements ou plus rarement encore vers
des unités centralisées de compostage. Dans d'autres cas, nos
déchets sont détruits. Jamais la merde ne retourne aux champs,
elle ne retourne pas non plus d'où provient notre nourriture.
Le cycle par lequel la nourriture devient merde continue de fonctionner.
Le cycle par lequel la merde devient nourriture, lui ne fonctionne plus.
Chaque fois que nous tirons la chasse d'eau, avec la conviction
que nous faisons un geste salubre, nous violons
les lois cosmiques, car en fait il s'agit d'un acte impie,
un acte sacrilège de mort.
Lorsque nous nous rendons aux toilettes, nous enfermons de l'intérieur
et évacuons notre merde, nous essayons de mettre fin à quelque chose.
De quoi avons-nous honte ? De quoi avons-nous peur ?
Nous refoulons ce qui arrive à notre merde tout
comme nous refoulons la mort. Le trou des toilettes nous apparaît comme
la lucarne de la mort. Nous tentons de nous en éloigner le plus rapidement
possible, d'oublier tout aussi promptement l'état de pourriture et
décomposition. Pourtant, c'est exactement le contraire !
Originellement, c'est avec la merde que la vie commença.